Pages

Sunday, January 1, 2012

700 milliards de dollars en un jour

Avec 700 milliards de dollars dépensés en un jour, la Banque Centrale Européenne dame le pion au Gouvernement Américain


700 milliards de dollars! C’est le montant colossal des désormais fameux TARP, les fonds du Troubled Asset Relief Program, décidé en 2008 par le gouvernement américain et signé par le président Georges W. Bush le 3 octobre 2008 pour sauver le système financier américain menacé de faillite.

Cette somme énorme a fait grand bruit à l’époque. Elle était destinée à renforcer le système financier américain mis à mal par la crise de subprimes de 2007-2008, elle-même suivie par la crise du credit crunch qui vit les banques internationales cesser de se prêter entre elles du fait de la défiance sur le LIBOR instaurée par la chute de Lehman Brothers.

Les TARP étaient destinées à des achats massifs de valeurs financières et de parts en capital (assets & equity), pour éponger les mauvaises dettes fondées sur MBS, les Mortgage Backed Securities.
De larges polémiques s’étaient développées alors du fait que ces mesures d’assistance, de montants jamais atteints, avaient été décidées par un gouvernement américain ultraconservateur, celui de Georges W. Bush, pour être ensuite mises en œuvre par l’administration Obama, une administration démocrate.

Les fonds avaient été dispersés dans des actions plus proches de celles du New Deal de Roosevelt (soutien à l’économie par des investissements publics considérables) plutôt que par un emploi conforme à celui qui était prévu à l’origine, c’est-à-dire le soutien direct aux marchés financiers. C’est ainsi que les grandes villes comme New York avaient utilisé une partie de ces TARP pour regoudronner leurs rues et avenues.

Mais la polémique s’était surtout concentrée pendant 18 mois sur ces 700 milliards de dollars qui  avaient bouleversé le monde financier américain et international.

Aujourd’hui, dans la discrétion la plus absolue, au milieu des fêtes de la fin d’année 2011, la même somme a été dispersée en… un jour.

Ce sont en effet, 489 milliards d’euros, soit 639 milliards de dollars au change du jour, quasiment l’équivalent de 700 milliards, qui ont été dispersés le 21 décembre par la Banque Centrale Européenne sous la forme de prêts à taux réduits consentis simultanément à des centaines de banques européennes en proie à de sérieux manques de liquidités.

Bien entendu, la technique financière n'est pas la même. Les TARP étaient des achats de créances effectués par le Trésor Américain, alors que les prêts du 21 décembre ont été consentis par la Banque Centrale Européenne.

Cette différence est cependant très relative dans sa structure et dans ses effets.

En matière financière pure en effet, ce type de prêts fondés sur des valeurs collatérales de garanties déséquilibrées (pour ne pas dire douteuses) ou ces achats de créances elles-mêmes très volatiles, reviennent strictement au même en terme de risk management.

En matière de droit financier, particulièrement sur le plan téléologique, c'est-à-dire du point de vue des objectifs poursuivis, les fondements du Trésor U.S. créé en 1789 et ceux de la Banque Centrale Européenne sont étonnamment plus proches que ceux du Federal Reserve System (FED) créé en 1913 et de celui de la Banque Centrale Européenne créée en 1998 par le Traité d’Amsterdam.

En matière monétaire, d’approche keynésienne ou non, les deux opérations sont quasiment équivalentes du point de vue de la création de monnaie et donc de l’accroissement des liquidités.

Deux différences notables subsistent cependant.
D’abord les TARP, furent étalés sur 18 mois, alors que les prêts de la Banque Centrale Européenne ont été libérés en un seul jour, soit une injection de liquidités relativement 549 fois plus forte.
Ensuite, les TARP ont révolutionné le système financier international alors que les prêts de la BCE n’ont ému personne.

Signe des temps et d’un apaisement des mœurs financières, ou signe d’une banalisation des mesures d’exceptionnelles destinées à sauvegarder le système financier international ?

Le droit financier américain a emprunté certaines notions essentielles au droit romain. Ici, on ne pourra s’empêcher de conclure par cette citation juridique traditionnelle :

Res Ipsa Loquitur
[que l’on peut traduire par les faits parlent d’eux-mêmes]

L’intégralité de la citation, elle, est plus énigmatique :
Res Ipsa Loquitur Tabula in Naufragio
[traduction libre laissée aux lecteurs]

Olivier Chazoule