10 milliards de
dollars, c’est la somme incroyable que la BNP devra payer aux autorités
financières américaines pour avoir enfreint les restrictions américaines aux financements
internationaux en dollars avec pays sous embargo des Etats-Unis entre 2008 et
2009.
Cette situation exceptionnelle
soulève plusieurs questions :
La première question
est relative à la juridiction à laquelle est soumise la BNP comme d’ailleurs
les autres banques françaises, comme d'ailleurs toutes les banques du monde non
américaines. C'est la question de la compétence territoriale et juridique de la
loi américaine, autrement appelée dans le système judiciaire anglo-saxon, Jurisdiction. C’est-à-dire de quel droit,
de quelle manière la justice américaine peut-elle avoir à connaître des agissements
d’une entité morale, une société commerciale et financière de droit français et
européen ?
Une partie de la réponse
tient à la nature des sociétés incriminées, les filiales de la BNP qui opèrent
sur le territoire des Etats-Unis.
Mais cette réponse
est insuffisante.
La seconde partie
de la réponse tient à la devise dans laquelle les opérations sont effectuées,
le dollar, qui est toujours la devise mondiale de référence. Mais dans ce cas-là,
peut-on considérer que chaque pays a vocation et/ou légitimité à agir mondialement
dans les transactions qui se déroulent en tout lieu lors de tous les échanges
de sa propre devise ?
La troisième
partie de la réponse tient à la nature des intérêts considérés comme stratégiques
par les Etats-Unis. En d'autres termes, tout ce qui peut directement ou indirectement
menacer la sécurité des Etats-Unis doit être contrôlé et empêché si nécessaire.
Si pris trop tard et après commission de ce qui est considéré comme un manquement
ou une faute, une punition s'impose.
La loi la plus connue
dans ce domaine est celle qui a été émise
par le Congrès le 26 octobre 2001,en réponse aux évènements du 11 septembre
2001, le Patriot Act. Destiné à préserver
les Etats-Unis de toute transaction financière illégitime, de blanchiment d’argent
et de liquidités, le Patriot Act vise
à réglementer et contrôler les transactions financières U.S. et internationales
avec répercussions et incidences sur les Etats-Unis pour restreindre l’accès
aux sources et canaux de transferts de financement par les groupes terroristes.
Il existait déjà des
dispositions américaines comparables issues de la guerre froide qui tendaient à
restreindre les exportations de technologies sensibles à destination de l’URSS,
y compris par les pays alliés des Etats-Unis. Elles se sont transformées en
restrictions d’exportations de technologies sensibles à destination de la Chine.
La quatrième
question qui se pose est celle de savoir de quel droit les Etats-Unis se permettent
d’édicter des lois mondiales, c’est-à-dire des lois bien que votées par des Américains
seulement peuvent avoir et ont un effet sur le reste de la planète. La série de
lois Foreign Account Tax Compliance Act, ou FATCA, de 2010 en est une illustration.
Elle apporte une réponse pragmatique : c’est comme ça et pas
autrement ! nous y reviendrons.
Les Romains
disaient que les lois parfaites, ou leges pefectae, sont les lois assorties
de sanctions. Autrement dit, s’il n’y a pas de sanction applicable et appliquée
personne ne respecte la loi. C’est ce qui conduit à la cinquième question qui est
de savoir quels sont les moyens de pression et de sanction qu’ont les Etats-Unis
à l’égard des banques et institutions financières étrangères, c’est-à-dire non-américaines.
Cette sanction
majeure, ce goulot d’étranglement c’est l’interdiction d’accès à Wall Street
qui demeure le marché financier dominant de la planète et l’interdiction potentielle
de conduire de transactions en dollars qui est la devise majeure des échanges internationaux
et de réserves mondiales.
Si une banque est
bannie d’accès à Wall Street et/ou d’effectuer des transactions en dollars, ce
n’est plus une banque.
Cela signifie que
les autorités fédérales américaines ont le pouvoir de faire et de défaire
toutes les banques du monde ; et ce
pouvoir, elles l’exercent discrétionnairement.
Ce n’est pas
totalement le fait du Prince mais cela
y ressemble.
Face à un tel
pouvoir exorbitant du droit commun, mais bien réel, quelle stratégie faut-il adopter ?
Ce que font les
banques américaines, aussi puissantes soient-elles, c’est qu’elles vont dans le
sens du courant.
Comme elles, il
faut considérer la psychologie et la sociologie des affaires et de la finance américaine,
connaitre suffisamment le droit des procédures administratives fédérales et des
Etats principaux dans ce domaine, New York, Delaware, et engager de négociations directement et avec
l’aide de ses conseils.
La dernière chose
à faire est de se heurter de front aux autorités fédérales, il faut négocier, négocier,
négocier.
Ce que disent souvent
les Américains est explicite et mérite d’être considéré ici: if cou cannot beat them, join them, ce
que l’on peut traduire par : si tu ne
peux pas les vaincre, allies-toi à eux.
Olivier Chazoule
Olivier Chazoule