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Tuesday, November 4, 2014

La Chine première puissance économique du monde. Deuxième partie : viser la domination financière



Dans ce second article sur les conséquences financières de l’accession à la Chine à la première place économique mondiale il faut souligner le premier point qui est la rivalité croissante entre la Securities and Exchange Commission américaine, la célèbre SEC et son homologue Chinois, La China Securities Regulatory Commission, la CSRC.

L’enjeu de cette véritable guerre financière est la captation de la manne gigantesque du financement des entreprises multinationales sur les marchés financiers.
Les armes de cette guerre sont les contrôles nécessaires  de la validité, solvabilité et du respect des règles financières d’organisation des marchés. A l’origine la crise aux Etats-Unis de 1905, puis celle de 1929 ont suscité la ruine de très nombreux petits porteurs d'actions. Le premier, l’Etat du Kansas en 1911 a créé des Blue Sky Laws et à plupart des Etats des Etats-Unis ont suivi, y compris l’Etat de New York.

Les lois fédérales ont pris la suite et ont créé une enveloppe englobante de protection relativement contraignante avec le Securities Act of 1933 qui protège les investisseurs sur les marchés financiers. Le Securities Exchange Act of 1934 a lui créé la SEC elle-même.

S’en suivirent toute une série de lois dont le Trust Indenture Act of 1939, the Investment Company Act of 1940 et le Investment Advisers Act of 1940.

A la suite du scandale Enron qui résulta en une faillite retentissante et menaça une nouvelle fois la stabilité des marchés,  le Sarbanes–Oxley Act de 2002 visa à introduire des normes comptables et de gestion suffisamment précises pour empêcher de telles manœuvres futures. Cette loi complexe et mal rédigée a ajouté une certaine rigueur mais aussi beaucoup de confusion.

La dernière étape majeure de régulations aux Etats-Unis fut le célèbre Dodd Frank Act et sa Volker Rule du nom de l'ancien patron de la FED. Cette loi de 2010 signée par le Président Obama vise notamment à empêcher les tradings propriétaires des grandes banques d’affaires américaines et internationales.

Tout cet arsenal de régulation n'est pas le fruit d’une bonté particulièrement désintéressée des américains. En voulant protéger les investisseurs contre les fraudes massives sur les marchés financiers il vise à fluidifier le flot incessant des capitaux internationaux vers les places financières américaines. Plus les marchés sont sécurisés, plus les investisseurs de toutes tailles du monde entier ont un intérêt et une volonté à placer leur argent sur les places financière américaines.

Que ce soient des banques commerciales, des caisses d’épargne, des banques d’affaires, des fonds souverains, des hedge funds, des compagnies d’assurance, des caisses d’épargne, des Trusts Chinois, de REITS, des sociétés d'investissements, des fonds d'investissements, des fiduciaires ou tout véhicule financier classique et conservateur ou exotique, en plus des petites porteurs par l'intermédiaires de leurs brokers et banques, les fonds apportés sur les marchés financiers américains font la vie financière et économique des Etats-Unis.
Plus de marchés, plus d'Amérique.
C’est aussi simple que cela. Plus encore que la force de frappe nucléaire, la puissance des marchés financiers américains conditionne son existence même.


La puissance financière américaine a de nombreux visages, mais elle est surtout connue par l’intermédiaire de certains visages particulièrement. Parmi ces visages il y a celui de la SEC et ceux des Big Five.
La SEC, ou Securities and Exchange Commission est l’autorité suprême des marchés financiers américains et par contrecoup de toutes les sociétés qui sont listées sur le New York Stock Exchanges, ou qui y investissent, c’est-à-dire toutes les banques et les compagnies d’assurance de la planète et toutes les multinationales du monde entier. En d’autres termes la SEC contrôle tout, partout, tout le temps.
Les BIG Five sont les géants de l’expertise comptable, de l’audit et la certification des comptes des sociétés dans le monde. Elles valident et certifient les comptes des entreprises cotées à la bourse de New York, le NYSE, et sont garantes de la régularité des bulletins de santé des sociétés cotées, ce bulletin de santé qui détermine le cours de actions de ces sociétés.
Pour clore la boucle, comme la SCE contrôle les BIG Five, cela signifie que le grand chef des contrôleurs contrôle les contrôleurs.
Une des trouvailles des marchés financiers américains a été de double -lister des sociétés à Wall Street et sur dans les bourses de Hong Kong et de Shanghai. Cela signifiait plus de fonds, plus d’actionnaires, plus d’argent. Mais cela s’avéra aussi être le talon d’Achille de la suprématie financière américaine.

La Chine a longtemps observé ce phénomène source essentielle de la surpuissance économique et financière américaine. Puis la Chine a dupliqué cette organisation en développant deux marchés financiers complémentaires : Hong Kong et Shanghai. Comme en matière de droit financier depuis 30 ans la Chine s’est largement inspirée des institutions américaines et des lois américaines pour créer et développer ses bourses de Hong Kong et Shanghai.

Le droit financier chinois est très largement inspiré du droit financier américain et désormais dans de nombreux domaines il tend à lui être supérieur.
De la même manière que la Commission Européenne de Bruxelles et la Cour de Justice de Luxembourg ont pris pour exemple les lois anti-trust américaines de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle et les ont améliorées pour à partir du Traite de Rome de 1957 développer une politique préservation de la concurrence en Europe plus forte et plus efficace que celle développées par les Américains eux-mêmes, de la même manière la Chine a emprunté le droit financier américain et l’a rendu plus fort et plus performant.

Puis la Chine a choisi de se confronter au géant financier américain. Cette confrontation n’est pas de pure forme ou inspirée par l’orgueil national. Cette confrontation vise la suprématie des marchés et au contrôle relatif des investissements internationaux qui sont ensuite injectés dans les économies.

Les Etats Unis veulent cet argent pour eux.
La Chine veut cet argent pour elle.

Entre 2011 et 2013, une des Big Five, la filiale d’Accenture en Chine, et ensuite d’autres parmi les Big Five, ont été la cible de la SEC concernant la vérification des comptes de sociétés chinoises listées à la fois sur les marchés financiers en Chine et à Wall Street. La SEC exigeait qu’Accenture livre des informations secrètes sur ses sociétés clientes chinoises. Si Accenture ne le faisait pas les dirigeants d’Accenture pouvaient être emprisonnés aux États-Unis et Accenture frappée d’amendes énormes.

Cependant pour la première fois il y eut une complication, une complication de taille.
Cette fois-ci, la China Securities Regulatory Commission (CSRC) et surtout le Gouvernent chinois ont montré les dents.
L’argumentation de la CSRC et du Gouvernent chinois est que les informations exigées par la SEC de la part d’Accenture à propos de ses sociétés clientes étaient des secrets d’affaires chinois protégées par la loi chinoise sur le secret des transactions d’affaires. Leur violation se serait soldée par la mise en prison, en Chine cette fois, des dirigeants d’Accenture en Chine.
En d’autres termes les dirigeants Accenture avaient le choix entre obéir à la SEC et aller en prison en Chine ou désobéir à la SEC et aller en prison aux Etats-Unis.
Apres deux ans de lutte acharnée, l’affaire d’Accenture, et les autres, se sont soldées par un accord. Les autorités financières chinoises ont autorisé que certaines informations soient révélées à la SEC et la SEC s’est contentée d’une portion réduite de renseignements.

Bilan de l’opération ? Victoire totale de la Chine qui a obtenu ce qu’elle voulait depuis le début : que le monde entier reconnaisse la suprématie désormais partagée par les Etats-Unis et la Chine de la domination de la finance internationale.
Depuis 2013 il y a deux super-gendarmes de la finance dans le monde : la Securities and Exchange Commission et la China Securities Regulatory Commission.

De quels ordres de montant parlons-nous?
Bien plus de 500 milliards de dollars par jour sur les marchés financiers.
Plus 10.000 milliards de dollars par jour sur les marchés de la dette monétaire et obligataire.
Et plus de 5.000 à 6.000 milliards de dollars par jour sur le marché forex des devises.

C’est ce flux d’argent qui est l’enjeu de la rivalité Chine - Etats-Unis


Olivier Chazoule
Professeur de Droit Financier
Directeur des Etudes New York Institute for Business and Finance
http://www.nyibf.net/