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Thursday, July 3, 2014

Les sanctions U.S. contre la BNP et l’émergence d’un monde juridique tripolaire. Première partie: la problématique anglo-saxonne



Amendes énormes et excuses publiques, accompagnées d’interdiction partielle d’exercer la profession de banquier en dollars. La sanction à l’égard de la BNP n’est pas seulement très forte, elle peut sembler à certains exorbitante du droit commun.

C’est en partie parce que plus large encore que  l’autonomie de la décision juridictionnelle, on trouve ici l’autonomie de la décision administrative unilatérale. C’est l’administration américaine qui s’exerce indépendamment de tout contrôle - pour l’instant, car on peut imaginer des recours juridictionnels futurs – et qui s’exerce à l’égard d’une entité très vaste, la BNP. Les grandes banques mondiales sont globales, internationales. Elles ont des ramifications dans tous les pays, ou presque.

Une certaine logique juridique voudrait que chaque pays édicte et fasse respecter ses normes financières sur son territoire et n’étende pas son long arm juridiction (théorie juridique anglo-saxonne de la compétence juridictionnelle qui s’étend au-delà des frontières et s’appelle littéralement le bras long) sur toute la planète, ou sur tous les autres pays dans lesquelles ces banques ont des activités.

C’est oublier que les système financier, économie et juridique américain s’appuie sur une autre théorie-pratique juridictionnelle qui est celle de la recherche des big pockets. En d’autres termes, alors que le système juridique administratif et juridictionnel français par exemple va chercher à définir les responsabilités des contrevenants à une réglementation, et notamment les responsabilités pénales, au nom de l'intérêt de l’Etat et de ses administrés, le peuple, le plus grand nombre, le système américain va chercher des responsabilités pécuniaires civiles et va les chercher chez ceux qui peuvent payer.

Le système juridique américain, fondé principalement sur la négligence, la responsabilité et les dommages (souvent considérables) cherche à attraire en la cause le plus grand nombre de justiciables. Il détermine ensuite à coup de longues enquêtes, et de plea bargain dans lequel les justiciables sont invités à se dénoncer les uns les autres dans le but de s’exonérer partiellement ou totalement en chargeant les autres, les responsabilités les plus étendues possibles et les fractionne. Ce partage des responsabilités est fondé à la fois sur la matérialité des faits mais surtout sur la capacité à payer.

Ainsi le système juridictionnel ou administratif va identifier le plus gros payeur potentiel de dommages et concentrer ses attaques sur lui. Les autres co-responsables seront invités à dénoncer le gros payeur et bénéficieront de réductions de charges et de peines, voire même d’exonérations totales.

Si le pénal intervient, c'est en support et en levier du civil. La menace de sanctions pénales poussera le contrevenant à accepter des sanctions civiles lourdes en échange de réductions de peines pénales permises par le plea bargain.

C’est pourquoi les institutions financières, les entreprises et même les Etats non américains ont parfois du mal à saisir et admettre cette suprématie américaine qui revient en fait pour l’Oncle Sam à dicter sa politique financière au reste du monde sur le fondement d’une loi américaine mondiale dans le sens où loi fédérale votée par le Congrès des Etats-Unis, ou la loi d’un Etat votée par le parlement d’un des 50 Etat de l’Union va s’appliquer  de facto au reste du monde. Selon la Constitution Américaine, les constitutions de chaque Etat de l’Union et le droit international, ces lois n’ont vocation à s’appliquer qu’aux territoires et aux personnalités juridiques, individus et sociétés commerciales, qui vivent sur le territoire ou y exercent leur activité pour la part de leur activité qui s’y exerce et pas au-delà.

Curieusement, au nom d’un intérêt à agir compris de manière extensive, la réalité est tout autre.

L’affaire BNP en est l’illustration.

Faut-il cependant considérer que l’Europe, la Chine et le reste du monde restent passifs devant une telle conception de la loi mondiale américaine?

C’est l’objet des parties suivantes:
La réponse européenne
La réponse chinoise