La stratégie de
résistance, ou plus exactement de conquêtes de la Chine par rapport à la
dominance passée et encore actuelle mais probablement pas future des Etats-Unis
dans le domaine du droit et de la
finance, s’est déroulée en quatre étapes majeures.
La première étape
a été celle de la gentillesse et de la douceur, ce qu’on pourrait appeler la
collaboration avec les portes toutes grandes ouvertes, couplée bien sûr avec
l’appât du gain réciproque. C’est la libre entrée des Américains et des
Européens en Chine depuis 20 ans. Les multinationales américaines et
européennes ont été invitées à venir produire en Chine à des prix défiant toute
concurrence. Comme les multinationales se sont habituées aux bas couts de
productions, elles ont décidé de s’installer durablement, pour produire… et
pour vendre.
La seconde étape
a été celle qu’on pourrait appeler l’étape de la loi. Dans les années 2005 à
2009 toute une série de cas judiciaires en Chine a mis en difficulté des
multinationales européennes et notamment allemandes produisant et vendant des
produits chimiques en Chine. Le cas le plus connu est celui d’un travailleur
chinois qui est venu travailler en pyjama. Il a été refoulé à l’entrée, mais
deux heures plus tard la police est venue chercher les deux directeurs
allemandes et les a incarcérés. La légalité de leur arrestation résidait dans
leur contravention à une ancienne, mais toujours en vigueur, loi chinoise
locale qui autorisait les travailleurs à venir travailler en pyjama. Il fallut
plusieurs jours aux patrons allemands en Europe pour réaliser le sérieux de la
situation et la détermination des Chinois. Leurs deux cadres supérieurs ne
purent sortir de prison que deux semaines plus tard après avoir payé une amende
de plusieurs millions de dollars. Les autorités chinoises se sont faites les
dents sur les Européennes avant de s’en prendre aux Américains.
La troisième étape a été celle des sanctions, et on peut
situer son apogée en 2010-2011 avec une série de cas mettant en cause le numéro
un de la distribution mondiale le géant Wal Mart accusé à la fois de ne pas respecter
la législation sur le travail en Chine et de vendre dans ses magasins des
produits non conformes à la réglementation sanitaire. Du haut de sa grandeur
Wal Mart méprisa d’abord ces attaques. Mais la fermeture immédiate et brutale
de plusieurs de ses hyper-marchés et l’arrestation puis l’incération de
plusieurs cadres supérieurs et directeurs de magasin du groupe en Chine mit Wal
Mart Chine sur les genoux et à la fin de fin 2011 dans la position de
considérer la fermeture totale et définitive de toutes ses opérations en Chine.
Ayant pesé le pour et le contre et en vertu de ses intérêts bien compris, Wall
Mart décida de présenter ses excuses les plus plates, de licencier les
cadres responsables, ou en tout cas
officiellement tenus pour responsables, de payer des amendes vertigineuses et
surtout de s’engager à respecter pour toujours les lois chinoises…
La quatrième
étape enfin est l’étape que l’on pourrait qualifier d’étape de l’ordre et de la
puissance juridique et financière chinoise.
La puissance
financière américaine a de nombreux visages, mais elle est surtout connue par
l’intermédiaire de certains visages particulièrement. Parmi ces visages il y a
celui de la SEC et ceux des Big Five.
La SEC, ou Securities and Exchange Commission
est l’autorité suprême des marchés financiers américains et par contrecoup de
toutes les sociétés qui sont listées sur le New York Stock Exchanges, ou qui y
investissent, c’est-à-dire toutes les banques et les compagnies d’assurance de
la planète et toutes les multinationales du monde entier. En d’autres termes la
SEC contrôle tout, partout, tout le temps.
Les BIG Five sont
les géants de l’expertise comptable, de l’audit et la certification des comptes
des sociétés dans le monde. Elles valident et certifient les comptes des
entreprises cotées à la bourse de New York, le NYSE, et sont garantes de la
régularité des bulletins de santé des sociétés cotées, ce bulletin de santé qui
détermine le cours de actions de ces sociétés.
Pour clore la
boucle, comme la SCE contrôle les BIG Five, cela signifie que le grand chef des
contrôleurs contrôle les contrôleurs.
Une des
trouvailles des marchés financiers américains a été de double -lister des
sociétés à Wall Street et sur dans les bourses de Hong Kong et de Shanghai.
Cela signifiait plus de fonds, plus d'actionnaires, plus d’argent. Mais cela
s’avéra aussi être le talon d'Achille de la suprématie financière américaine.
Entre 2011 et
2013, une des Big Five, la filiale d’Accenture en Chine, et ensuite d’autres
parmi les Big Five, ont été la cible de la SEC concernant la vérification des
comptes de sociétés chinoises listées à la fois sur les marchés financiers en
Chine et à Wall Street. La SEC exigeait qu’Accenture livre des informations
secrètes sur ses sociétés clientes chinoises. Si Accenture ne le faisait pas
les dirigeants d’Accenture pouvaient être emprisonnés aux Etats-Unis et
Accenture frappée d’amendes énormes.
Cependant pour la
première fois il y eut une complication, une complication de taille.
Cette fois-ci, la
China Securities Regulatory Commission (CSRC) et surtout le Gouvernent chinois
ont montré les dents.
La SCRC est
l’équivalente de la SEC chinoise.
L’argumentation
de la SCRC et du Gouvernent chinois est que les informations exigées par la SEC
de la part d’Accenture à propos de ses sociétés clientes étaient des secrets
d'affaires chinois protégées par la loi chinoise sur le secret des transactions
d’affaires. Leur violation se serait soldée par la mise en prison, en Chine
cette fois, des dirigeants d’Accenture en Chine.
En d'autres
termes les dirigeants Accenture avaient le choix entre obéir à la SEC et aller
en prison en Chine ou désobéir à la SEC et aller en prison aux Etats-Unis.
Apres deux ans de
lutte acharnée, l’affaire dAccenture, et les autres, se sont soldées par un
accord. Les autorités financières chinoises ont autorisé que certaines
informations soient révélées à la SEC et la SEC s’est contentée d’une portion
réduite de renseignements.
Bilan de
l’opération ? Victoire totale de la Chine
qui a obtenu ce qu’elle voulait depuis le début : que le monde entier
reconnaisse la suprématie désormais partagée par les Etats-Unis et la Chine de
la domination de la finance internationale.
Depuis 2013 il y
a deux super-gendarmes de la finance dans le monde : la Securities and Exchange
Commission et la China Securities Regulatory Commission.
Ce que l’on
pourrait qualifier de nouvel d’équilibre de la terreur… financière.
Prof. Olivier Chazoule