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Friday, July 4, 2014

Les sanctions U.S. contre la BNP et l’émergence d’un monde juridique tripolaire. Deuxième partie: la réponse européenne


La réponse juridique et financière européenne aux sanctions infligées à la BNP va venir. On peut même dire qu’elle est déjà arrivée… et cela depuis 1957.

A la fin de la Seconde Guerre Mondiale les Alliés réalisèrent que la rivalité Franco-Allemande qui avait déjà résulté en trois guerre en moins d’un siècle devait être définitivement stoppée.

Une étude approfondie des différents moyens possibles pour y  arriver conduisit les différentes parties à décider de réaliser une Union Economique Européenne (en plus de la CECA du charbon et de l’acier et d’Euratom) liant les protagonistes de manière économique étroite et les conduisant à éviter tout futur conflit pour ménager leurs intérêts économiques immédiats.

En clair : le commerce pour éviter une nouvelle guerre.

C’est l’origine du Traité de Rome de 1957.

Un des fondements principaux du Traité de Rome et de la pratique économique et juridique de l’Union de Etats Européens est la politique de la Concurrence. En fait, c’est une politique juridique, financière et économique issue des antitrust laws des Etats-Unis, un corps de doctrines juridiques et de lois très puissantes visant à limiter les effets pervers des grands groupes et financiers dominants dans l’économie américaine à commencer à l’époque par le groupe pétrolier Rockefeller :  Sherman Act 1890, Clayton Act 1914 et Federal Trade Commission Act 1914. Il s’agit par tout moyen d’éviter les monopoles et les situations de domination des marchés, ou oligopoles.


Au fil des ans, la politique de la concurrence de l’Union Européenne, est devenue autonome de ses origines américaines. Et de copie elle est devenue innovatrice et très forte. Si bien qu’aujourd’hui on peut dire que la politique de la concurrence européenne est beaucoup plus développée et efficace que la politique antitrust américaine.

L’arme favorite de la Commission Européenne de Bruxelles et de la Cour de Justice de l’Union Européenne de Luxembourg pour faire respecter la concurrence est l’administration d’amendes énormes aux entreprises et singulièrement aux entreprises multinationales américaines, comme par exemple : Intel, 1,4 milliards de dollars en 2009 ; Microsoft, 1,2 milliards de dollars en 2008 ou Microsoft encore avec 757 millions de dollars en 2013 ; en fait si Bruxelles avait appliqué la règle jusqu’au bout la sanction aurait pu s'élever à 10% du chiffre d'affaires mondial de Microsoft, soit 7,9 milliards de dollars.

Le nouvelle arme de Bruxelles est constituée par la toute récente directive Barnier qui met sous contrôle de fait les grandes agences de notations financières qui ont  fortement contribué à l’ampleur énorme de la crise des subprimes de 2007-2008 en favorisant la création incontrôlée des MBS, les Mortgage Backed Securities et de leur explosion subséquente.
Désormais les agences de notation, principalement américaines sont responsables de leurs actes devant la Commission Européenne.

Les Américains, comme les Anglais dans la célèbre phrase du comte d'Anterroche, à la bataille de Fontenoy, tirèrent les premiers. Mais l’issue de la bataille ne fut pas favorable à ceux-là mêmes qui avaient tiré les premiers.

Ici il ne s’agit heureusement que de conflits financiers.

Mais fallait-il bien que les autorités financière de contrôle américaines  dégainent les sanctions les premières face à une Europe à l’arsenal de contrôle financier et juridique lui-même très fourni?

Comme on dit, l’avenir nous le dira et les paris sont ouverts.


Prof. Olivier Chazoule